Dans un petit atelier du mémorial américain de Oisne-Aisne, à Seringes-et-Nesles, la haute technologie allemande s’applique à entretenir la mémoire américaine. Depuis 2005, un robot de plusieurs tonnes restaure les gravures des stèles des Marines tombés pendant la Grande Guerre.
Entouré des croix en marbre des soldats américains de la Première Guerre mondiale, un imposant bras articulé s’active dans la brouhaha d’un atelier de gravure. Ce robot fabriqué en Allemagne et assemblé en Italie donne une seconde peau aux stèles des combattants Outre-Atlantique. Comme un écho à la réconciliation germano-américaine.
Au fil d’un rituel très précis, le robot cajole la croix au millimètre prés : il prend ses mesures, détermine son emplacement sur la table d’essayage, amincit sa taille de cinq millimètres, et retouche les gravures d’une profondeur de deux millimètres. Nom et matricule du Marines ont désormais une deuxième vie. Les familles peuvent aussi lui demander d’inscrire un texte au dos de la croix. En quinze minutes, la belle est prête à retrouver sa place au milieu d’un des six cimetières américains de la Grande Guerre présents en France. En février dernier, la machine a ainsi restauré 83 croix.
« Ce robot fait en un quart d’heure ce que je fais en une heure à la main » confie Philippe Lafleur. Cela fait huit ans que ce graveur et machiniste de Oisne-Aisne passe une partie des commandes au robot, après le réglage des paramètres d’un logiciel. Un code et un habillage spécifiques pour chaque conflit : à 14-18, le marbre de carrare ; à 39-45 le marbre lasa.
Seuls deux cimetières sont aujourd’hui équipés de tels robots. Le second est au cimetière de Meuse-Argonne, près de Verdun. A eux deux, ces ambassadeurs de la haute technologie prêtent main forte aux graveurs des onze mémoriaux américains de l’Hexagone.